Dans cet article, tout sur les métiers de luthier, de l’expertise à la fabrication.

1. Définition du mot luthier :

Selon les dictionnaires on trouvera des définitions qui diffèrent un peu les unes des autres. Ce qui est sûr, c’est qu’étymologiquement il désigne le facteur de luth, instrument à cordes pincées ancêtre de la guitare, très prisé jusqu’au 18ème siècle.

Par extension, le mot luthier a été attribué à tous les facteurs d’instruments de musique.  Cependant ce mot désigne également ceux qui réparent les instruments de musique et ceux qui en font l’expertise à des fins historiques ou bien souvent juridiques. On désigne par le mot « luthier du quatuor » le luthier qui s’occupe des instruments à cordes frottées, dont je vais parler plus spécifiquement ici.

2. Les métiers du luthier :
On l’aura compris la lutherie n’est pas un métier mais plusieurs métiers, il existe principalement quatre types d’atelier :

a.    L’atelier-magasin :
La plupart des ateliers sont aussi des magasins qui proposent des services d’entretien et de réparation des instruments, mais aussi la vente de cordes et d’accessoires et souvent la vente ou la location d’instruments.

b.    L’atelier de restauration :

Ils s’occupent généralement d’instruments anciens de valeur, cotés sur le marché de l’art. Les restaurateurs ont pour mission de mettre ces instruments en état tout en respectant l’intégrité de la pièce et le style de l’auteur. Ils sont généralement capables de rendre les réparations pratiquement invisibles.

c.    Les experts et marchands d’instruments de valeur :

Les experts, tout comme les experts dans le monde de l’art, s’occupent d’authentifier les instruments et de les coter. C’est à eux que font appel les assurances, les tribunaux, les maisons de vente aux enchères, les collectionneurs… Ils sont généralement également les marchands de ces instruments de très grande valeur (2 032 000$ pour le « Lady Tennant », violon de Stradivari vente Sotheby’s en 2005) . Les restaurateurs deviennent souvent experts.

d.    Les ateliers de fabrication :

Il existe enfin les ateliers de fabrication, beaucoup moins nombreux, où l’artisan, à l’image des luthiers du XVIIIème siècle, conçoit intégralement ses instruments du dessin au vernis en passant par le choix du bois, la sculpture…

Bien sûr cette description est un peu caricaturale, bien souvent le luthier qui a un magasin essayera de fabriquer un ou deux instruments par an ; les restaurateurs vendent parfois des accessoires ;  et je connais une luthière qui s’occupe de grande restauration et de fabrication, et qui a de grandes connaissances en expertise, mais qui ne fait pas du tout de vente…

3. Zoom sur la fabrication:

Pour ma part je suis spécialisée en fabrication, ce qui, vous allez le voir, recouvre également plusieurs métiers.

a.   Petit mot sur les violons de « fabrique » :

Aujourd’hui il existe, dans certains pays asiatiques et dans quelques pays de l’est de l’Europe, des fabriques de violon qui sont en tous points semblables à celles qui existaient en France ou en Allemagne au 19ème siècle.
Dans ces usines, les instruments sont bien fabriqués à la main, mais chaque ouvrier fait constamment la même pièce de l’instrument en respectant toujours les mêmes cotes quelque soit le bois. Il n’a pas de vision d’ensemble de l’instrument mais fait sa pièce de manière toujours identique. A Mirecourt (dans les Vosges) au XIXème et même encore début XXème les ouvriers étaient payés à la pièce.
Le maître mot de ces ateliers, si l’on peut les appeler ainsi, est, comme dans n’importe quelle usine : la rentabilité.

Comme dans de nombreux domaines aujourd’hui, les chinois en sont les rois et le bas prix de la main d’œuvre permet d’avoir des instruments d’étude, de qualité souvent équivalente aux petits mirecourts du début XXème, à des prix extrêmement compétitifs.

De ce fait, les luthiers spécialisés dans la fabrication, ne peuvent pas se permettre de proposer des instruments seulement corrects, mais sont obligés de faire des instruments destinés aux professionnels, qui correspondent aux musiciens pour qui ils sont fabriqués..

b. La fabrication artisanale:

Les luthiers, qui sont primés dans les concours ou reconnu par les musiciens professionnels, ont une démarche assez différente des usines citées plus haut. Et assez  proche, d’après ce que l’on en sait, de la façon de travailler au XVIIIème siècle dans les ateliers dont la renommée est parvenue jusqu’à nous.

Cependant, le luthier n’en est pas moins homme (ou femme ;-)) de son siècle et nous sommes de plus en plus nombreux à chercher une approche rationnelle  plus que répétitive de notre travail et donc à nous intéresser aux travaux de recherche tant acoustiques, bien entendu, que chimiques pour le vernis et le bois, et qu’historiques, iconographiques et mathématiques pour le dessin, les matériaux, les procédés.

Il me semble d’autant plus important d’entrer dans cette démarche, qu’alors que la famille du violon n’a quasiment plus évoluée depuis le XVIIIème siècle, notre conception du monde, elle, a radicalement changé et a transformé notre façon de produire.

J’aurais certainement  l’occasion de vous en reparler dans d’autres posts mais en attendant n’hésitez pas à aller jeter un œil sur ce que dit François Denis sur la notion de mesure.

Afin d’entrer plus en détail dans ce que peut-être le quotidien d’un atelier de fabrication, je me rends maintenant compte qu’il faudra y consacrer un autre article, chose que je ne manquerai pas de faire !

4. Conclusion :

Si je me suis permis de vous ennuyer avec toutes ces précisions, c’est que je crois que, pour quelqu’un qui n’a pas passé toutes ses journées derrière un établi, se représenter vraiment ce qu’est ce métier, loin des images d’Epinal, n’est pas facile.
On s’étonne parfois du temps qu’il  faut pour devenir luthier, j’espère que cet article permet de mieux le comprendre.


2 commentaires

Kitou · 27 novembre 2009 à 22 h 28 min

Bravo, j’apprends plein de choses.

Anaïs Gassin · 2 décembre 2009 à 20 h 05 min

Merci, merci. Un luthier a remis en cause ma classification des ateliers, disant qu’il serait plus juste de parler de différents aspects du métier.
Il n’a pas tort et c’est pour ça que j’ai dit à la fin de ce paragraphe que ma description était un peu caricaturale.
J’ai, cependant, conservé cette dénomination car je trouve qu’elle correspond assez bien à ce qui se passe la plupart du temps et qu’elle montre bien que sous le nom « d’atelier de lutherie » se cachent des lieux assez différents les uns des autres.

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